Histoire de cèpes en cuisine

En continuant l'excursion du livre de recette de ma grand-mère, j'ai trouvé entre les lignes et salivé en humant la fricassée à l'ail crépitante sur le feu 

Les cèpes farcis



Choisir des cèpes au chapeau largement ouvert. Parer le dessous des têtes au couteau en enlevant une partie de la barbe verte si elle est épaisse et moelleuse ; couper la queue à ras.
Préparer une farce avec de la chair à saucisse, ou mieux du jambon et du lard frais, les queues, mie trempée dans du lait, persil, ail, le tout haché fin et lié avec deux oeufs, seul, poivre. De cette farce garnir l'envers des chapeau et faire dorer ce côté à l'huile ou à la graisse avant de les coucher serrés et au besoin les uns sur les autres dans une cocotte, ou une tourtière préalablement foncée avec quelques cuillerées d'huile ou de graisse maniées d'un coulis de tomates parfumé aux herbes, oignons, ail, bouquet garni. J'en ai goûté sans le coulis de tomate, le parfum en était plus forestier. Maniez alors l'huile et la graisse avec quelques cuillerées de bouillon.
Couvrir, cuisson longue à petit feu dessous dessus. L'intérieur du champignon doit rester moelleux seul le dessus de la farce peut être croustillant. Terminer par un filet de verjus ou jus de citron.

Cèpes et pommes de terre farcis
Farce préparée de la même façonque pour les cèpes seuls. Creuser un berceau dans les pommes de terre que vous choisirez moyennes. farcissez les cèpes et pomme de terre. Cuisson comme pour les cèpes seuls. Vous serez étonné du succés.

Cèpes à la Bordelaise
Cette appellation est donnée à des cèpes cuits comme il est dit à la « sarladaise », on y ajoute une poignée de mie de pain rassie émiettée quinze minutes avant de servir en même temps qu’un hachis d’échalote, de persil et d’un petit morceau de lard. Toujours filet de verjus ou de jus de citron.



Histoire de cèpes en cuisine


Les cèpes du coin d'Annick, photo Annick.


« Sur la table de la cuisine j’ai préparé le petit panier de vendage en bois. Demain matin, j’en garnirai le fond de fine fougère. Couché à côté de lui, mon bâton à l’écorce claire entaillée de dessins faits par le même canif à courte lame qui me servira à raccourcir les queues des cèpes, pleines d’humus. Dès l’hiver c’est avec le même panier que nous irons avec ma chienne Riquette à la chasse aux truffes. »

(extraits de la cuisine paysanne en France « Les secrets des fermes en Périgord Noir » de Zette Guinaudeau-Franc )

Voici comment chez nous  on s’en régale.

Du panier de vendange en bois de châtaignier débordent les feuilles de fougère qui le tapissent. Il est rempli de cèpes, des bruns, des fauves, des chamois. Des petits comme des noix montées sur pied, trapus ; des moyens fermes et drus, la peau tendue, luisante de fraîcheur, le dessous blanc gris ; des mous et visqueux à l’envers tournant au vert mais encore appétissant et utilisables ; les trop vieux, trop effondrés sur leurs dessous verts sont restés dans le taillis comme reproducteurs de spores. Ensemble nous allons les trier, réservant pour les farcir les plus vieux, les plus mous. Puis cuire sur l’heure, en cocotte les plus frais, les plus sains servis en plats uniques après la soupe et le chabrol, ce seront :


Les cèpes à la Salardaise. A l’aide d’un petit couteau, chaque queue sera rafraîchie, grattée de sa mousse et de sa terre, pelée si nécessaire, coupée à environ 1,5 cm du chapeau, si elle est véreuse elle sera rejetée. Vérifier chaque tête, enlevant brins d’herbe et de fougère, rafraîchir le bord du chapeau si besoin est. Un grand principe : ne jamais laver ni peler les cèpes, simplement avec un torchon propre et fin, essuyer têtes et queues avant de les jeter dans une cocotte où elles rejoindront 4 à5 cuillérées d’huile chaude ou de graisse qui les saisiront. Baisser le feu. Faire sauter les champignons, les tourner avec précaution. Saler, poivrer, ajouter de l’huile s’ils ont absorbé la précédente. Cuisson lente environ une heure. Il faut une fois cuits, que les cèpes soient dorés, moelleux à l’intérieur, jamais secs. Un peu avant la fin de la cuisson, jeter sur les champignons qui ne seront plus mouillés que d’une coulis épais, un hachis fin d’ail et de persil. Relever d’un filet de verjus, ou à défaut de citron, quelques minutes avant de servir.

En automne

0ctobre


Dimanche 1er : vide grenier de 9h à 18h au jardin des Moines : 05 53 03 83 62, 05 53 03 45 21 ;
Samedi 7 :  4e édition de « l’Histoire se livre » sur le thème de la Renaissance, de 11 à 19h, salle du Dolmen, avec les amis de Brantôme : 06 86 99 41 36 ;
                  Les matinales du jardinages, de 10h à 12h, Chemin du Vert Galand : 05 53 35 38 64 ;
                  Sortie botanique, Chemin du Vert Galand : 05 53 35 38 64 ;

Samedi 7 au lundi 9 : Exposition collective "La Gare des Art", Dortoir des Moines, 05 53 56 56 31, 05 53 54 82 16 ;
Dimanche 8 : 11e prix littéraire des biographies historiques 2017, à partir de 11h, salle du Conseil : 06 86 99 41 36 ;
Dimanche 15 : Concert d'automne « La Musique Classique rencontre l'Electronique » avec Nelly Johnson au clavier numérique Tyros 5, Entrée libre, Bookstop 09 51 45 57 49 ;
Mercredi 18 : Cinéma, à partir de 20h30 salle du Dolmen : "Otez-moi d'un doute", un film de Carine Tardiez : 05 53 02 64 97 ;

Novembre


Samedi 4 : Les matinales du jardinage « Les bulbes: connaissances et techniques de plantation », de 10h à 12h, Chemin du Vert Galand : 05 53 35 38 64 ;
Dimanche 5 : Thé dansant avec l'orchestre « Harmony musette ». Entrée 10 euros avec pâtisserie ...
05 53 07 87 51, 06 08 00 85 39 ;
Dimanche 12 :  Récital de piano de Lara Liu autour des sonates de Beethoven, à partir de 16h : 06 86 99 41 36 ;
Dimanche 19 : Vide-grenier enfants, de 9h à 18h : 05 53 05 83 62 ;
Samedi 25 : Sortie mycologique avec l’Association ALAIJE, Chemin du Vert Galant : 05 53 35 38 64 ;

Décembre


Vendredi 1  : Marché aux truffes de 9h à 12h à l’office de tourisme : 06 83 08 68 45, 05 53 06 34 35 ;
Samedi 2 : Les matinales du jardinage, de 10h à 12h, Chemin du Vert Galand, 05 53 35 38 64 ;
                    Téléthon 2017 : 06 88 55 87 72 ;
Vendredi 8  : Marché aux truffes, de 9h à 12h,  à l’office de tourisme, 06 85 02 31 21, 05 53 06 34 35 ;
Vendredi 15 : Marché aux truffes ;
Vendredi 22 : Marché aux truffes ;
Dimanche 31 : Réveillon dansant de la Saint Sylvestre avec orchestre, de 21h à 5h, sur réservation : 05 53 07 87 51, 06 08 00 85 39.




A l'agenda


Juillet 

mardi 18 juillet : Duo Piano Jazz   à 21 h salle du Dolmen.
mardi 18 juillet : Marché de producteurs de pays fermiers. Matin.
mercredi 19 juillet : Vide grenier à partir de 14h, autour du stade.
jeudi 20 juillet : Marché nocturne de l’artisanat d’art de 15h à 22h sur le parvis de l’Abbaye.
vendredi 21 juillet : Joutes nautiques à partir de 21h devant l'Abbaye de Brantôme.
dimanche 23 juillet - Antiquités - Brocante professionnelle dans le Jardin des Moines.
lundi 24 juillet : Visite nocturne commentée des vestiges troglodytiques de l'Abbaye à partir de 22h.
jeudi 27 juillet : Spectacle de rue avec la compagnie "Ap'Nez". à partir de 18h.
vendredi 28 juillet : Marché nocturne de producteurs fermiers à partir de 18h.
vendredi 28 juillet : Joutes nautiques à partir de 21h devant l'Abbaye de Brantôme.
dimanche le 30 juillet :  Animations de rue et fluviales "les Chevaliers du Trincou" à partir de 10h.
lundi 31 juillet : Visite nocturne commentée des vestiges troglodytiques de l'Abbaye à partir de 22h.
lundi 31 juillet : Concert de chant grégorien "The Gregorian Voices"  à partir de 21h à l'Abbaye.

Août 

mardi 1er août : Marché nocturne de producteurs fermiers à partir de 18h.
jeudi 3 août :  Marché de potiers avec un atelier pour les enfants à partir de 9h.
dimanche 6 août : Défilé à l'ancienne costumé et exposition artisanale dans le Jardin des Moines.
lundi 7 aout : Visite nocturne commentée des vestiges troglodytiques de l'Abbaye à partir de 22h.
mardi 8 août : Bal traditionnel à partir de 21h place du marché." Initiation danse l'après-midi. Gratuit.
mardi 8 août :  Marché des producteurs fermiers de 8h à 12h30.
jeudi 10 août : Cinéma en plein air à partir de 22h.
vendredi 11 août : Joutes nautiques à partir de 21h devant l'Abbaye de Brantôme.
vendredi 11 août : Marché de producteurs de pays fermiers à partir de 18h.
Samedi 12 août : Sortie en zones humides à partir de 10h au jardin botanique Alaije. Chemin du vert Galant.
Dimanche 13 août: Omelette géante au jardin des Moines à partir de 11h.
Dimanche 13 août : Concert de l'ensemble des solistes de Saint-Pétersbourg dans l'Abbaye à partir de 21h.
Lundi 14 août : Concert place du Marché à partir de 21h.
Lundi 14 août : Visite nocturne commentée des vestiges troglodytiques de l'Abbaye à partir de 22h.
Mardi 15 aoûtMarché de producteurs de pays fermiers. Matin.
jeudi 17 août : Marché nocturne de l’artisanat d’art, de 15h à 22h sur le parvis de l’Abbaye.
vendredi 18 août : Joutes nautiques à partir de 21h devant l'Abbaye de Brantôme.
dimanche 20 août : Brocante d'été devant l'esplanade de l'Abbaye de 8h à 19h.
lundi 21 août : Visite nocturne commentée des vestiges troglodytiques de l'Abbaye à partir de 22h.
mardi 22 aoûtMarché des producteurs fermiers de 8h à 12h30.
mardi 22 août : Spectacle de rue avec la compagnie "Le Mime Malou" à partir de 21h place du Marché.
vendredi 25 août :  Marché nocturne de producteurs fermiers à partir de 18h.
vendredi 25 août : Joutes nautiques à partir de 21h devant l'Abbaye de Brantôme.
lundi 28 août : Visite nocturne commentée des vestiges troglodytiques de l'Abbaye à partir de 22h.
mardi 29 août : Marché des producteurs fermiers de 8h à 12h30.

septembre 

vendredi 1er septembre : Soirée Musique & Lampions. Visites nocturnes du jardin et musique acoustique. jardin Alaije Chemin du vert Galant.
vendredi 1er septembre : repas partagé à partir de 19h parvis de l'Abbaye.
mardi 5 septembre : Marché des producteurs fermiers de 8h à 12h30.
mardi 12 septembre : Marché des producteurs fermiers de 8h à 12h30.
samedi 23 septembre : Alaije fête l’automne. entrée gratuite. Chemin du Vert Galant.
samedi 23 septembre : Théâtre "le club des suicidés" salle du Dolmen à partir de 20h30.



De l'Autre Côté du Reflet

Les Naïades seraient-elles les médiatrices 
entre les déesses et les humains ? 
En me penchant dans les eaux de la Dronne, 
j'ai cru voir une de ces créatures bienveillantes
 qui me fit entrevoir
 une nouvelle manière de regarder 
cette perle du Périgord qu'est Brantôme,
 J'y vis bien plus que la chevelure d'Ondine.







Avec la matière




Depuis cet été les œuvres d’art métal d’Olivier Dixneuf courent les rues et ruelles de la « Venise du Périgord ». Ce charentais d’origine a adopté Brantôme comme espace d’expression artistique. Quelque 22 sculptures ont pris forme dans ce projet monté de toute pièce par lui seul qui avait rendez-vous en ces lieux « magiques » avec l’inspiration. « Je viens souvent à Brantôme. Je trouve cet endroit magnifique ». Sur les 22 exposées,  il en reste cinq aujourd’hui dont la contrebasse qui fut également présentée au conservatoire de musique de Strasbourg. Mais l’artiste promet qu’elles reviendront avec de nouvelles. Olivier Dixneuf a pour habitude de dire sur son art « L’homme parle avec la matière lorsque l’esprit sait lui donner vie ».  



L'Art et la Dordogne




C’est en Dordogne que Louis Aragon a écrit l'un des plus beaux poèmes de résistance à Javerlhac : « Les Lilas et les Roses » en 1940. C’est aussi du point de vue de son œuvre la transformation du vécu en écriture, en récit créateur. Un mouvement qui se poursuit et s'amplifie dans un autre texte célèbre : « la leçon de Ribérac » où l'auteur découvre "la morale courtoise" des troubadours avec la figure d'Arnaud Daniel et fait sien cet art poétique qui permet la double lecture. Son oeuvre s'en trouvera transformée. C'est aussi à Brantôme qu'Aragon se spécialise en matière de poésie médiévale. Il y a eu un avant et un après Javerlhac, et pour la première fois le nom d'Elsa apparaît dans le roman "Le Crève-cœur" écrit en 1940, bien que Louis Aragon la connaisse depuis de nombreuses années.


« Les Lilas et les Roses »

« O mois des floraisons mois des métamorphoses
Mai qui fut sans nuage et Juin poignardé
Je n’oublierai jamais les lilas ni les roses
Ni ceux que le printemps dans les plis a gardés

Je n’oublierai jamais l’illusion tragique
Le cortège les cris la foule et le soleil
Les chars chargés d’amour les dons de la Belgique
L’air qui tremble et la route à ce bourdon d’abeilles
Le triomphe imprudent qui prime la querelle
Le sang que préfigure en carmin le baiser
Et ceux qui vont mourir debout dans les tourelles
Entourés de lilas par un peuple grisé

Je n’oublierai jamais les jardins de la France
Semblables aux missels des siècles disparus
Ni le trouble des soirs l’énigme du silence
Les roses tout le long du chemin parcouru
Le démenti des fleurs au vent de la panique
Aux soldats qui passaient sur l’aile de la peur
Aux vélos délirants aux canons ironiques
Au pitoyable accoutrement des faux campeurs

Mais je ne sais pourquoi ce tourbillon d’images
Me ramène toujours au même point d’arrêt
A Sainte-Marthe Un général De noirs ramages
Une villa normande au bord de la forêt
Tout se tait L’ennemi dans l’ombre se repose
On nous a dit ce soir que Paris s’est rendu
Je n’oublierai jamais les lilas ni les roses
Et ni les deux amours que nous avons perdus

Bouquets du premier jour lilas lilas des Flandres
Douceur de l’ombre dont la mort farde les joues
Et vous bouquets de la retraite roses tendres
Couleur de l’incendie au loin roses d’Anjou »





« La leçon de Ribérac ou l’Europe française »

Article paru dans Fontaine, n°14, juin 1941. 

" […] Mais il arrivait que nous déplongions de l’enfer, ce 25 juin 1940, comme à l’aube pascale de l’an 1300, Dante et Virgile, et que c’était de Ribérac que nous pouvions à leur semblance dire :
Et là fut notre issue pour revoir les étoiles.
Or Dante, dans son Purgatoire, a parlé de cet Arnaud Daniel qui fut gentilhomme de Ribérac, et qu’on a si bien oublié. C’est où il rencontre Guido di Guinizello de’ Principi, poète de Bologne en qui il salue son maître dans l’art du « doux style nouveau », car, dit-il, si ses regards et sa voix lui montrent tant d’amitié, c’est pour :
… vos vers si doux.
Car, tant que durera notre parler moderne
Ils me feront chérir jusqu’à leur encre même.
Mais Guido lui montre une autre ombre dans le Purgatoire qui
…Fut meilleur ouvrier du parler maternel :
En vers d’amour, en prose de romans,
Il surpassa tout autre. Et laisse dire aux sots
Qui croient plus grand l’homme du Limousin [Guiraud de Borneil] Dante s’approche de l’ombre et lui demande son nom :
Lors il se prit aimablement à dire :
« Tant m’abellis vostre cortes deman
Qu’ieu no me puesc ni voill a vos cobrire :
Ieu sui Arnaut, que plor e vau cantan ;
Consiros vei la passada folor,
E vei jausen la joi qu’esper, denan.
Ara vos prec, per aquella valor
Que vos guida al som de l’escalina :
Sovenha vos a temps de ma dolor ! »
C’est-à-dire : « Tant m’enchante votre courtoise question – Que je ne peux ni veux de vous me dérober – Je suis Arnaud, qui pleure et va chantant ; - Comme je vois ma démence passée, - Je vois la joie que j’espère à venir. – Or je vous prie, au nom de ce pouvoir – Qui vous guide au sommet de cet escalier : - Souvenez-vous à temps de ma douleur ! »
C’est un hommage étrange et sans second rendu ici par Dante à Arnaud Daniel, que de se départir pour huit vers de la langue italienne, et de pieusement rendre au poète de Ribérac son parler provençal. Il faut y voir que, par la filiation de Gui Guinizel (Mon père à moi et de meilleurs que moi – Qui chantèrent d’Amour douces rimes légères), Arnaud Daniel est désigné par Dante comme l’initiateur du « doux style nouveau », le maître premier de l’art dantesque. C’est bien de quoi convenait singulièrement Gaston Paris, écrivant : 
« Le genre d’Arnaud Daniel qui nous paraît rebutant et puéril avait certains mérites dont le plus grand était, en donnant à chaque mot une importance exagérée, de préparer la création du style expressif, concis, propre et personnel qui devait se produire avec un incomparable éclat dans la Divine Comédie. »
L’important pour moi, fin juin 40, n’était pas que ce fantôme de Ribérac eût à tort ou à raison maltraité par Gaston Paris. Mais que Dante et Pétrarque en lui reconnussent leur maître. Et aussi cette étrange leçon : que la langue de la Divine Comédie, généralement opposée à l’artificiel, au pédantesque langage de ses contemporains, que cette langue italienne, substituée au latin, cette langue compréhensible pour tous, fut née précisément du grand souci des mots qu’apportait à chanter, à « trouver », comme on dit, Maître Arnaud Daniel, qui pratiquait l’art fermé. Il fut l’inventeur de cette sextine, couplet de six vers pliés à des exigences sans précédent dans la disposition des rimes, que Pétrarque et Dante lui empruntèrent. [sur cette pertinence de l’art fermé, du « Trobar clus », en cette tragique période du pétainisme et de l’occupation, cf. : "La Rose et le Réséda"...]
[…]
J’en reviens à Ribérac. Il y régnait un grand désarroi d’hommes de toute sorte : des familles débarquées dans des voitures antiques, on ne sait où racolées, avec leurs matelas sur la tête, et qui y campaient, quand ce n’était pas dans les granges avec les bêtes, les vestiges de notre division qui n’étaient que vingt pour cent des hommes entrés en Belgique, de petites unités mystérieusement égarées, des groupes d’ouvriers en bleus, « repliés » là sur des ordres inexplicables, des gendarmes venus de la Loire dans un grand car bondé, des autos avec PRESSE à leur pare-brise, qui charriaient les débris des Messageries Hachette. Là-dessus, la chaleur, les arbres verts, les soldats qui se baignaient dans la Dronne, des gens hors d’eux, des enfants dépaysés, des femmes en robes claires. Non, ce qui me retenait dans l’image d’Arnaud Daniel, ce n’était pas seulement l’art fermé, cette incroyable invention de règles nouvelles, de disciplines que le poète s’impose et fait varier à chaque poème, ce dessin des rimes qui ne sont pas là tant que pour sonner d’un vers à l’autre, car elles se répondaient après six ou huit vers, d’une strophe sur l’autre, mais à raison de trois par vers parfois, deux rimes intérieures pour une rime terminale, ou suivant une variation dans leur succession qui épuise toutes les dispositions possibles d’une strophe sur l’autre, non : ce qui faisait que je ne pouvais me détacher l’esprit de Maître Arnaud, c’était que, dans un temps où mon pays était divisé, et par la langue, et dans sa terre, [où il y avait un roi de Paris, et un roi d’Angleterre qui tenait la moitié de la France, et dans le Nord un comte de Flandre, dans l’Est un comte de Champagne, dans un temps où mon pays était encore épuisé par les folles saignées des croisades, qui seules remettaient d’accord ces princes ennemis contre les ennemis de l’Est lointain, il se soit développé une poésie qui porta plus loin et plus haut que les étendards de ces princes la grandeur française, et fit naître dans l’Italie de Virgile et d’Ovide une gloire, une grandeur nouvelles, qui se réclament de la France. J’étais saisi de cette idée, quand tout paraissait perdu, elle venait me rendre le courage et la confiance en nos destinées, et c’est de quoi je resterai à jamais reconnaissant à Maître Arnaud Daniel. 
Pour lui, mon esprit s’était vu tout occupé de cette période extraordinaire qui couvre la fin du règne de Louis VII et la première partie du règne de Philippe Auguste, et qu’on a pu appeler l’âge d’or de la littérature française médiévale. Alors toutes les valeurs qui domineront, créeront l’expression occidentale, jusqu’à l’époque moderne, surgissent en France, dans ce creuset merveilleux où tant de fois les invasions vinrent mêler leurs laves. Et quand je dis toutes les valeurs, c’est que la filiation de Pétrarque et de Dante à Arnaud Daniel n’est qu’un exemple particulier, malgré la grandeur des poètes italiens, une infime part de ce qui naît en France à la fin du douzième siècle, dans un moment où elle est si déchirée, que je ne puis l’expliquer que par l’époque présente. 
C’est de ce temps que les écrivains osent utiliser les deux langues du Nord et du Midi, les langues vulgaires, la provençale et la française, au lieu du latin : à ce point enfin détachées du latin, ces « vulgaires » dictent selon leur génie propre des œuvres qui n’ont plus rien, même à les imiter, des œuvres qui firent Rome si grande. La société féodale les a modelées, ces langues, et elles la traduisent, et l’on voit apparaître la poésie telle que nous l’entendons aujourd’hui encore : c’est à la fois la poésie épique des chansons de geste, la poésie lyrique et, invention prodigieuse, le roman.
[…]
Et ceci pour la forme.
Car la seconde moitié du douzième siècle français est grande pour autre chose, et pour autre chose nous est à cette heure terrible le réconfort, le viatique nécessaire et grisant.
C’est qu’alors, de France, naquirent aussi les grands thèmes poétiques qui n’ont pas cessé de faire battre nos cœurs, mille et mille fois repris, variés à l’infini, rebrassés par l’histoire, et non seulement les thèmes poétiques eux-mêmes, mais leurs incarnations les plus hautes, les types humains qu’ils animent et qui les animent, les personnages nés en France, qui deviennent les héros de l’Europe entière, de l’Italie, de l’Angleterre, de l’Allemagne, de la Scandinavie, de l’Espagne et du Portugal. C’est qu’alors, dans la seconde moitié du douzième siècle, la France connut cette gloire, cet orgueil immense d’envahir poétiquement l’Europe, c’est alors qu’elle fut pour la première fois la France européenne, comme elle devait le redevenir au dix-huitième et au dix-neuvième siècle par l’expansion de la philosophie des lumières. Quelle singulière aventure ! Et le plus singulier n’est-il pas dans l’ignorance où se tiennent les Français, dans leur grande majorité, de cette période triomphale de leur pays ? Qui plus est, il règne à ce sujet un préjugé défavorable, et qui fait que nombre de Français se sentent très peu fiers de ce que leur pays ait engendré, et répandu par le monde une civilisation véritable, qui a des traits si caractéristiquement français, et qui pour ainsi dire embrasse et rassemble les notions, les mythes, les légendes de cette grande époque dans une sorte de morale qui ne pouvait naître que chez nous, mais qui a subjugué nos voisins, et qui est la morale courtoise
Voilà le grand mot lâché. Mais avant d’en venir à ce qui sur ce point me sépare de quelques-uns, je voudrais dire qu’il me paraît impossible, quelle que soit la priorité des poètes et des penseurs du Midi en cette matière, de les opposer à leurs imitateurs ou mieux à leurs continuateurs du Nord, comme on tend à le faire. Une revue n’annonçait-elle pas récemment un numéro qu’on attend avec beaucoup d’intérêt, dont le sommaire semble vouloir donner le monopole au génie d’oc d’un esprit qui naquit, certes en Provence, mais ne grandit d’autant qu’il devint celui de la France entière ? L’heure me paraît mal choisie pour une dissociation qui confirme une frontière intérieure, tout artificielle." 



Sources
"Aragon et la Dordogne" novembre 1992 plaquette éditée à l'initiative de la Fédération de la Dordogne du Parti Communiste Français, à l'occasion du 10e anniversaire de la mort d'Aragon Imprimerie Moderne de Périgueux



« La leçon de Ribérac ou l’Europe française » Article paru dans Fontaine, n°14, juin 1941 










« Lascaux 4 » ou l’Art Pariétal expliqué aux plus petits


L’Art Pariétal évolue avec son temps. C’est le paris pris et tenu par le Centre International de l’Art Pariétal Montignac-Lascaux, avec l’ouverture de la grotte « Lascaux 4 » depuis le mois de décembre cette année, après trois ans et demi de chantier. Le fac-similé présente une visite intégrale et grandeur nature de l’originale de la grotte de Lascaux, centrée sur l’utilisation des nouvelles technologies de l’image. Dans le cadre d’un parcours didactique, destiné aux adultes comme aux enfants,
« Lascaux4 » met en lumière l’Art Pariétal à travers les peintures rupestres et les gravures de plus de 18 000 ans, de l’ère du Paléolithique, dont l’un des joyaux est « la salle des taureaux ».
MB